SEXUALITÉ - Les femmes s'emmerdent au lit. C'est Sonia Feertchak qui l'affirme. Pire: elle ose en faire le titre de son dernier livre (publié chez Albin Michel.) Trivialité revendiquée? Certainement. Puisqu'on parle de sexualité, du corps, autant parler franchement, crûment. Les femmes s'emmerdent au lit, mais on ne va pas se résigner. Sonia Feertchak sourit et s'amuse. Elle constate, et elle veut comprendre pourquoi. Elle propose ses solutions.
Elle s'inscrit dans une tradition connue: celle des pionnières qui ont bataillé pour la libération des femmes, et se sont engagées pour la libération sexuelle, jusqu'à se donner en exemple. Avec audace. Je pense à George Sand et à Colette, et il y en eut d'autres. Mais... c'était une autre époque. Le temps des dames patronnesses, du puritanisme et du délit d'adultère, est passé, la libération sexuelle s'est déjà produite: avec l'apparition de la contraception orale, à la fin des années soixante, il y a déjà longtemps... Soulignons ce qui singularise notre société occidentale laïque: pour la première fois, il n'y a plus d'interdit légal, ni de jugements moraux, sur la jouissance des femmes. Alors, de quoi irait-on se plaindre?
Et pourtant... Quand il s'agit d'éprouver le plaisir, les femmes ne seraient pas si libres. Le sous-titre du livre de Sonia Feertchak indique d'emblée l'axe de sa réflexion: aujourd'hui, le désir féminin est mis à l'épreuve du féminisme et de la pornographie.
Et pourtant... Quand il s'agit d'éprouver le plaisir, les femmes ne seraient pas si libres. Le sous-titre du livre de Sonia Feertchak indique d'emblée l'axe de sa réflexion: aujourd'hui, le désir féminin est mis à l'épreuve du féminisme et de la pornographie.
Née dans les années 70, Sonia Feertchak se considère comme typique de sa génération. Elle n'a pas tort: sa liberté de ton, sa bonne humeur pour parler des choses du sexe, témoignent en tout cas que la libération sexuelle a au moins libéré la parole. Elle a le courage de se traiter en objet d'étude, de se faire la narratrice de ses expériences, et de se poser des questions. Surtout, elle a l'audace de ne pas adhérer aux dogmes contemporains.
Les jeunes couples d'aujourd'hui? Ils en prennent pour leur grade. Elle, "la féminette" (dans laquelle Sonia s'est longtemps reconnue) est une chimère de féminisme et de midinette. Féministe, elle obéit paradoxalement à l'injonction: ne jamais se soumettre à un homme !
Midinette, elle rêve du prince charmant. Féministe, elle interprète le désir masculin comme une agression. Midinette, elle cherche en vain l'homme parfait et total qui seul la comblerait. Quant à lui... c'est "le nouveau garçon": un gentil jeune homme, empressé, aux petits soins pour sa compagne. Il est le fils idéal d'une mère féministe qui lui a répété qu'il faut respecter les femmes...et ne pas faire de peine à sa mère. Las ! Coupable de sa virilité, il craint par dessus tout de manifester sa pulsion: "Dis-moi si je te fais mal !" Au risque de la débandade, le nouveau garçon est "l'amant courtois" (heureuse formule !)
Le portrait est drôle et cruel, mais c'est plutôt bien vu. Sonia Feertchak les repère de loin, les nouveaux couples: ils présentent une image parfaite. De plus près, la jeune femme est condescendante, cassante, exaspérée, ou bien elle fait la mère, auprès du jeune homme anxieux de faire bien comme elle veut. Le problème, c'est qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut ! On l'aura compris, "la féminette" et "l'amant courtois" s'emmerdent au lit. Si on leur ouvre l'alcôve, les diktats féministes interdisent le plaisir aussi bien que les anciens jugements moraux.
Le portrait est drôle et cruel, mais c'est plutôt bien vu. Sonia Feertchak les repère de loin, les nouveaux couples: ils présentent une image parfaite. De plus près, la jeune femme est condescendante, cassante, exaspérée, ou bien elle fait la mère, auprès du jeune homme anxieux de faire bien comme elle veut. Le problème, c'est qu'elle ne sait pas ce qu'elle veut ! On l'aura compris, "la féminette" et "l'amant courtois" s'emmerdent au lit. Si on leur ouvre l'alcôve, les diktats féministes interdisent le plaisir aussi bien que les anciens jugements moraux.
Alors, "les hommes n'existent plus"? Les féminettes s'en plaignent, mais qu'elles considèrent leur responsabilité: elles ont tant culpabilisé les hommes, qu'ils ont abdiqué leur virilité, leur pulsion prédatrice. Elles-mêmes ne consentent pas (et c'est là l'essentiel) à se faire l'objet du désir masculin. Ni même à faire semblant. Surtout, "ne pas passer pour une salope"! Surtout, ne pas s'identifier à la soumission.
Il me semble que Sonia Feertchak repère parfaitement ce qui a toujours été l'écueil de la sexualité féminine. Déjà, George Sand, qui souffrait violemment de sa frigidité, déplorait en vain: "Si j'avais pu me soumettre à un homme, j'aurais été sauvée." C'était au XIXème siècle. Sonia Feertchak est une jeune femme d'aujourd'hui, autonome, responsable d'elle-même. C'est parce qu'elle est sûre de disposer librement d'elle-même qu'elle propose aux femmes de décider librement de leur soumission, ou plutôt de la jouer, de la mettre en scène au lit.
Il me semble que Sonia Feertchak repère parfaitement ce qui a toujours été l'écueil de la sexualité féminine. Déjà, George Sand, qui souffrait violemment de sa frigidité, déplorait en vain: "Si j'avais pu me soumettre à un homme, j'aurais été sauvée." C'était au XIXème siècle. Sonia Feertchak est une jeune femme d'aujourd'hui, autonome, responsable d'elle-même. C'est parce qu'elle est sûre de disposer librement d'elle-même qu'elle propose aux femmes de décider librement de leur soumission, ou plutôt de la jouer, de la mettre en scène au lit.
"Dès lors que les femmes ne sont plus soumises dans un modèle de société patriarcale, qu'elles sont sûres d'être le sujet actif de leur vie, elles peuvent consentir à 's'objetiser' pour leur plaisir." C'est en tout cas l'expérience raisonnée de la narratrice. S'identifier à l'objet sexuel dans le simulacre, le jeu, la mise en scène, voilà la solution. Bref, se servir du fantasme pour soutenir le désir.
Pour mieux en convaincre ses sœurs insatisfaites, elle rappelle le succès paradoxal de "Cinquante nuances de Grey".
Mais la jouissance est difficilement programmable, et le désir capricieux. Sonia Feerstack soulève un autre problème. Le devoir d'orgasme, cette injonction contemporaine, menace le désir féminin aussi sûrement que les dogmes féministes. Et la pornographie, "en substituant l'excitation au désir", en contribuant au souci de performances, ravale la sexualité à une technique des pratiques.
Il est donc "urgent de rattraper le désir par la queue"! Le drôle de jeu de mots emprunté à Picasso, me fait personnellement penser que la sexualité participe d'une création, au-delà donc des pratiques, ou des modèles. C'est pourquoi l'essentiel de ce livre, son intérêt, c'est que Sonia Feerstack manifeste un véritable engagement, une passion dans son propos: elle ne se résigne pas à voir les autres empêtrés dans des préjugés. Elle n'hésite pas à s'attaquer à l'image idéale des femmes d'aujourd'hui, elle incarne dans des mots de chair sa liberté de pensée. En réponse à la menace d'un néo-puritanisme, elle lance un "cri du corps". Et voilà, écrit par une jeune femme éminemment sympathique, un manifeste à contre-courant, plein de bonne santé, et joyeux.
Il est donc "urgent de rattraper le désir par la queue"! Le drôle de jeu de mots emprunté à Picasso, me fait personnellement penser que la sexualité participe d'une création, au-delà donc des pratiques, ou des modèles. C'est pourquoi l'essentiel de ce livre, son intérêt, c'est que Sonia Feerstack manifeste un véritable engagement, une passion dans son propos: elle ne se résigne pas à voir les autres empêtrés dans des préjugés. Elle n'hésite pas à s'attaquer à l'image idéale des femmes d'aujourd'hui, elle incarne dans des mots de chair sa liberté de pensée. En réponse à la menace d'un néo-puritanisme, elle lance un "cri du corps". Et voilà, écrit par une jeune femme éminemment sympathique, un manifeste à contre-courant, plein de bonne santé, et joyeux.
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